À Méry

Plus vite que les autans,

Saqui, l’immortelle, au temps

De sa royauté naissante,

Tourbillonnait d’un pied sûr,

A mille pieds en l’air, sur

Une corde frémissante.
Et l’on craignait que d’un bond

Parfois son vol vagabond

Décrochât, par aventure,

Parmi les cieux étoilés,

Les astres échevelés

Fouettés par sa chevelure.
En haut vers elle parfois,

Comme de tremblantes voix,

Montaient les cris de la foule

Qu’elle voyait du ciel clair

Confuse comme une mer

Où passe l’ardente houle.
Et, soit qu’en faisant un pas

Elle regardât en bas

Ou vers les célestes cimes,

Aux cieux que cherchait son vol,

Comme à ses pieds sur le sol,

Elle voyait deux abîmes.
Dans les nuages vermeils,

Au beau milieu des soleils

Qu’elle touchait de la tête

Et parmi l’éther bravé,

Elle songeait au pavé.

Tel est le sort du poète.
Il trône dans la vapeur.

Beau métier, s’il n’avait peur

De tomber sur quelque dalle

Parmi les badauds sereins,

Et de s’y casser les reins

Comme le fils de Dédale.
Dans l’azur aérien

Qui le sollicite, ou bien

Sur la terre nue et froide

Qu’il aperçoit par lambeau,

Il voit partout son tombeau

Du haut de la corde roide,
Et, sylphe au ventre changeant

Couvert d’écailles d’argent,

Il se penche vers la place

Du haut des cieux irisés,

Pour envoyer des baisers

A la vile populace.
Mai 1855.

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Théodore de Banville Apprenti Poète

Par Théodore de Banville

Etienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville, né le 14 mars 1823 à Moulins (Allier) et mort le 13 mars 1891 à Paris, est un poète, dramaturge et critique français. Célèbre pour les « Odes funambulesques » et « les Exilés », il est surnommé « le poète du bonheur ».

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