Réminiscences

Les deux amis à barbe grise,
La jambe croisée, en fumant,
En sont arrivés doucement,
La dernière nouvelle apprise,
À parler des choses d’antan.

Du fond de lointaines époques,
Comme un projecteur, leur esprit
Fait surgir des êtres chéris,
D’étranges mœurs, des mots baroques,
Des maisons de bois équarri.

Une date prend un visage,
La vie est leur calendrier.
– « Ce pauvre Anthime, le rentier,
Se noya pendant mon veuvage. »
– « C’est vrai, j’apprenais mon métier. »

L’amour instinctif de la race,
Plus accentué chez les vieux,
Les engage à parler de ceux
Qui venus d’eux prendront leur place,
Des alliés et des neveux.

On compare garçons et filles,
On fait l’inventaire des biens :
Plusieurs couples ont des moyens
Et font instruire leur famille,
Ce que ne pouvaient les anciens.

Alors, d’un ton où se devine
L’amertume d’un rêve enfui
Et la foi qu’une étoile a lui
Pour les fils, un des vieux opine :
– « Ah oui ! les jeunes d’aujourd’hui… »

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Alphonse Beauregard Apprenti Poète

Par Alphonse Beauregard

Né à La Patrie (Compton en Québec) le 5 janvier 1881, Alphonse Beauregard doit abandonner ses études à la mort de son père. Il pratique alors divers métiers, tout en publiant des poèmes dès 1906 dans quelques journaux et revues (parfois sous pseudonyme de A. Chasseur). Il prend une part active à la rédaction du Terroir et devient secrétaire de l'école littéraire de Montréal, tout en travaillant comme commis au port de Montréal. À peine élu président de l'école, il meurt asphyxié au gaz le 15 janvier 1924. Son poème « Impuissance » est paradoxalement un des plus puissants de cette époque.

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