Pourquoi ?

Mes vieux, autant que j’ m’en rappelle,

Avint eun’ bell’ maison en tuile :

l’s m’él’vint coumme eun’ demouéselle

Et j’allais au couvent d’ la ville,

Pis, crac !… V’là les mauvais’s années !

La bell’ maison qu’est mise en vente,

Toute ma famill’ qu’est ruinée,

Et moué que j’ m’embauch’ coumm’ servante…
Pourquoué ? pourquoué ?

Je l’ sais’ t-y, moué…

L’ souleil se couch’ sans dir’ pourquoué !
Adieu mon bieau corsag’ de mouére !

Faut qu’ je pouille un cotillon d’ serge,

Et v’là qu’un jour qu’i’ voulait bouére,

L’ gâs au chât’lain rent’e à l’auberge ;

Je l’ voués r’veni’ le lend’main même

Et, de l’ voueé, v’là mon coeur qui saute !

I’ r’vient toujou’s et v’là qu’ je l’aime !

Pourquoué c’ti-là putôt qu’eun aut’e ?…
Pourquoué ? pourquoué ?

Je l’ sais-t-y, moué ?

Les ros’s fleuriss’nt sans dir’ pourquoué !
V’là que j’i cède et qu’i m’engrosse,

Pis, i’ s’ensauv’ devant mon vent’e,

N’ voulant pas traîner à ses chausses

L’amour douloureux d’eun’ servante.

Ah ! l’ scélérat, et quelle histouére !

Mais dans l’ vin rouge et pur des vignes,

La dargniér’ foués qu’il est v’nu bouére

J’ai trempé des herbes malignes…
Pourquoué ? pourquoué ?

Je l’ sais-t-y… moué ?

L’ tonnerr’ tomb’ ben sans dir’ pourquoué?
Si j’avais fait coumm’ la vouésine,

Quand qu’ son galant s’est tiré d’ l’aile,

Alle en a r’pris deux, la mâtine !

Pourquoué qu’ j’ai pas pu fair’ comme elle?

J’ s’rais pas là, sous les yeux des juges,

Ces homm’s juponnés coumm’ des femmes

Qu’ensev’liss’nt un crim’ sous l’ déluge

D’un tas d’aut’s crim’s ‘cor pus infâmes.
Pourquoué ? pourquoué ?

Je l’ sais-t-y, moué ?

Eux non pus, i’s sav’nt pas pourquoué ?
Gaston Couté

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Gaston Couté Apprenti Poète

Par Gaston Couté

Gaston Couté, né à Beaugency dans le Loiret le 23 septembre 1880, mort à Paris-10e le 28 juin 1911, est un poète libertaire et chansonnier français, connu pour ses textes antimilitaristes, sociaux et anarchistes utilisant parfois le patois beauceron ou l'argot.

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