Couchant d’hiver

Au Bois

Quel couchant douloureux nous avons eu ce soir !
Dans les arbres pleurait un vent de désespoir, Abattant du bois mort dans les feuilles rouillées. À travers le lacis des branches dépouillées
Dont l’eauforte sabrait le ciel bleuclair et froid, Solitaire et navrant, descendait l’astreroi. Ô Soleil ! l’autre été, magnifique en ta gloire,
Tu sombrais, radieux comme un grand SaintCiboire, Incendiant l’azur ! À présent, nous voyons Un disque safrané, malade, sans rayons, Qui meurt à l’horizon balayé de cinabre, Tout seul, dans un décor poitrinaire et macabre, Colorant faiblement les nuages
La Terre a fait son temps ; ses reins n’en peuvent plus. Et ses pauvres enfants, grêles, chauves et blêmes D’avoir trop médité les éternels problèmes, Grelottants et voûtés sous le poids des foulards Au gaz jaune et mourant des brumeux boulevards, D’un ex
Riant amèrement, quand des femmes enceintes Défilent, étalant leurs ventres et leurs seins, Dans l’orgueil bestial des esclaves divins…

Ouragans inconnus des débâcles finales, Accourez ! déchaînez vos trombes de rafales l Prenez ce globe immonde et poussif ! balayez Sa lèpre de cités et ses fils ennuyés !
Et jetez ses débris sans nom au noir immense ! Et qu’on ne sache rien dans la grande innocence Des soleils éternels, des étoiles d’amour, De ce Cerveau pourri qui fut la Terre, un jour.

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Jules Laforgue Apprenti Poète

Par Jules Laforgue

Jules Laforgue né le 16 août 1860 à Montevideo et mort le 20 août 1887 à Paris, est un poète franco-uruguayen symboliste. Connu pour être un des inventeurs du vers libre, il mêle, en une vision pessimiste du monde, mélancolie, humour et familiarité du style parlé.

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