États

Ah ! ce soir, j’ai le coeur mal, le coeur à la Lune !
Ô Nappes du silence, étalez vos lagunes ;
Ô toits, terrasses, bassins, colliers dénoués
De perles, tombes, lys, chats en peine, louez
La Lune, notre Maîtresse à tous, dans sa gloire :
Elle est l’Hostie ! et le silence est son ciboire !
Ah ! qu’il fait bon, oh ! bel et bon, dans le halo
De deuil de ce diamant de la plus belle eau !
Ô Lune, vous allez me trouver romanesque,
Mais voyons, oh ! seulement de temps en temps estc’ que
Ce serait fol à moi de me dire, entre nous,
Ton Christophe Colomb, ô Colombe, à genoux ?
Allons, n’en parlons plus ; et déroulons l’office
Dés minuits, confits dans l’alcool de tes délices.
Ralentendo vers nous, ô dolente Cité,
Cellule en fibroïne aux organes ratés !
Rappelletoi les centaures, les villes mortes,
Palmyre, et les sphinx camards des Thèbe aux cent portes ;
Et quelle Gomorrhe a sous ton lac de Léthé
Ses catacombes vers la stérile Astarté !
Et combien l’homme, avec ses relatifs ‘ Je t’aime ‘,
Est trop anthropomorphe audelà de luimême,
Et ne sait que vivotter comm’ ça des bonjours
Aux bonsoirs tout en s’arrangeant avec l’Amour.
Ah ! Je vous disais donc, et cent fois plutôt qu’une,
Que j’avais le coeur mal, le coeur bien à la Lune.

L’Imitation de N.D la Lune

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Jules Laforgue Apprenti Poète

Par Jules Laforgue

Jules Laforgue né le 16 août 1860 à Montevideo et mort le 20 août 1887 à Paris, est un poète franco-uruguayen symboliste. Connu pour être un des inventeurs du vers libre, il mêle, en une vision pessimiste du monde, mélancolie, humour et familiarité du style parlé.

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Un matin

Le crépuscule est triste et doux comme un adieu