La Tete Rouge

Là-haut

Le creux marin

Au bord des hémisphères
La houle passe en bloc par-dessus les tréteaux

Les racines du monde pendent
par delà la terre les jambes du jockey au bord du tilbury

Les côtés de la route changent les franges du ciel remuent

Et le vent se replie derrière la forêt les monticules
à la ligne des dunes où roule le soleil

Les pins dans les barreaux de fer renferment les bêtes immobiles la peau des roches
à travers les ondes des coups de tonnerre
de l’orage

Il ne manque plus rien si l’horizon frémit
Mais derrière

Il y a sur le mur l’affiche ensanglantée
les lambeaux de carton que la pluie fait bouger
le soir aux yeux du passant qui remonte par la plus longue rue
Rue déserte encombrée de maisons qui se déplacent

Les arbres prisonniers s’entendent à voix basse

Chaque vitrine a son secret

Dans la nuit

Sous le ciel et une voie d’étoiles
Des gémissements

Des oscillations inquiétantes de la terre qui change son mouvement

L’homme qui monte sans rien voir que son pas devant
Les bruits dans les gradins du port
et les bruits des enseignes

Toutes les voix
Tous les tumultes

Les formes blanches des étages qui se plaignent

Tout luit

L’eau a lavé la pierre
Des mots glissent des toits

Un bruit sourd des lumières

Entre les deux troupeaux des trottoirs les portes pleines qu’on pousse et qui ne s’ouvrent pas

Le langage étranger dans la tête du matelot qui va
La mémoire du poète en avant qui dicte

Et les livres dont les noms et les mots reviennent constamment
Nuages

Tour

Eiffel les noms du

Dictionnaire

Et les mots étrangers et ceux de son pays

Où seront-ils passés
Et l’ombre de l’ami mort l’an dernier toujours présente derrière sa table et dans ses promenades et même pour signer
Cette réclame

Ce mouvement dans l’être qui agite son chapeau au bout du même bras
Et cette face rouge
La même qui guidait le marin qui allait la tête émerveillée des noms du

Dictionnaire
des mots de la légende et de l’astrologie

Le temps passé sous l’aile

La caresse de l’air

Le portrait que je laisse

Et tous les mots violents que je n’aurai pas dits

Pierre Reverdy

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Pierre Reverdy Apprenti Poète

Par Pierre Reverdy

Pierre Reverdy, né le 11 septembre 1889 (13 septembre 1889 selon l'état civil) à Narbonne et mort le 17 juin 1960 à Solesmes, est un poète français associé au cubisme et aux débuts du surréalisme. Il a eu une influence notable sur la poésie moderne de langue française.

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