A Jeanne, princesse de Navarre

Un jour de mai , que l’aube retournée
Rafraischissoit la claire matinée,
Afin d’un peu récrier mes esprits,
Au grand verger, tout le long du pourpris,
Me promenois par l’herbe fraische et drue,
Là, où je vis la rosée épandue,
Et sur les choux ses rondelettes gantes
Courir, couler, pour s’entrebaiser toutes :
Le rossignol, ainsi qu’une buccine,
Par son doux chant, faisait au rosier signe
Que ses boutons à rosée il ouvrît,
Et tous ses biens au beau jour découvrit ;
L’aube naissante avoit couleur vermeille,
Et vous étoit aux roses tant pareille,
Qu’eussiez douté si la belle prenait
Des fleurs le teint, ou si elle donnait
Aux fleurs le sien, plus beau que mille choses :
Un mesme teint avaient l’aube et les roses.
Jà commencoient à leurs aisles étendre
Les beaux boutons ; l’un estoit mince et tendre
Encor tapi dessous sa coëffe verte ;
L’autre montrait sa crête découverte,
Dont le fin bout un petit rougissoit :
De ce bouton la prime rose issoit ;
Mais celuici, démeslant gentement
Les menus plis de son accoustrernent,
Pour contempler sa charnure refaite,
En moins de rien fut rose toute faite,
En un moment devint seche et blesmie,
Et n’était plus la rose que demie.
Vu tel meschef, me complaignis de l’age,
Qui me sembla trop soudain et volage,
Et dis ainsi : Las! à peine sont nées
Ces belles fleurs , qu’elles sont jà fanées,
Je n’avais pas achevé ma complainte
Qu’incontinent la chevelure peinte
Que j’avais vue en la rose brillante,
Tomba aussi par chute violente
Dessus la terre, étant gobe et jolie
D’ainsi se voir tout à coup embellie
Du teint des fleurs chutes à l’environ,
Sur son chef brun et en son vert giron.
Tant de joyaux, tant de nouveautés belles,
Tant de présents, tant de beautés nouvelles,
Bref, tant de biens que nous voyons fleurir,
Un mesme jour les fait naistre et mourir
Mais si des fleurs la beauté si peu dure,
Ah ! n’en faisons nulle plainte à nature.
Des roses l’age est d’autant de durée
Comme d’un jour la longueur mesurée ;
Dont faut penser les heures de ce jour
Estre les ans de leur tant brief séjour ;
Elles sont jà de vieillesse coulées,
Sans qu’elles soient de jeunesse accolées.
Celle qu’hier le soleil regardait
De si bon coeur que son cours retardait
Pour la choisir parmi l’épaisse nue,
Du soleil mesme a été méconnue
À ce matin, quand plus n’a vu en elle
Sa grand! beauté qui semblait éternelle.
Or, si ces fleurs un seul instant ravit,
Ce néanmoins, chacune d’elles vit
Son age entier. Vous donc, jeunes fillettes,
Cueillez bientost les roses vermeillettes,
Puisque la vie, à la mort exposée,
Se passe ainsi que roses ou rosée

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