Art d’aimer, fragment III

Ainsi le jeune amant, seul, loin de ses délices,
S’assied sous un mélèze au bord des précipices,
Et là, revoit la lettre où, dans un doux ennui,
Sa belle amante pleure et ne vit que pour lui.
Il savoure à loisir ces lignes qu’il dévore ;
Il les lit, les relit et les relit encore,
Baise la feuille aimée et la porte à son coeur.
Tout à coup de ses doigts l’aquilon ravisseur
Vient, l’emporte et s’enfuit. Dieux ! il se lève, il crie,
Il voit, par le vallon, par l’air, par la prairie,
Fuir avec ce papier, cher soutien de ses jours,
Son âme et tout luimême et toutes ses amours.
Il tremble de douleur, de crainte, de colère.
Dans ses yeux égarés roule une larme amère.
Il se jette en aveugle, à le suivre empressé,
Court, saute, vole, et l’oeil sur lui toujours fixé,
Franchit torrents, buissons, rochers, pendantes cimes,
Et l’atteint, hors d’haleine, à travers les abîmes.

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André Chénier Apprenti Poète

Par André Chénier

André Marie de Chénier, dit André Chénier, fils de Louis de Chénier et frère de Marie-Joseph Chénier, est un poète et journaliste français né le 30 octobre 1762 à Constantinople et mort guillotiné à Paris le 7 Thermidor de l'an II à 31 ans.

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