Les Fleurs

Que votre éclat est peu durable,

Charmantes fleurs, honneur de nos jardins !

Souvent un jour commence et finit vos destins,

Et le sort le plus favorable

Ne vous laisse briller que deux ou trois matins.

Ah ! Consolez-vous-en, jonquilles, tubéreuses :

Vous vivez peu de jours, mais vous vivez heureuses !

Les médisants ni les jaloux

Ne gênent point l’innocente tendresse

Que le printemps fait naître entre Zéphire et vous.

Jamais trop de délicatesse

Ne mêle d’amertume à vos plus doux plaisirs.

Que pour d’autres que vous il pousse des soupirs,

Que loin de vous il folâtre sans cesse ;

Vous ne ressentez point la mortelle tristesse

Qui dévore les tendres coeurs,

Lorsque, pleins d’une ardeur extrême,

On voit l’ingrat objet qu’on aime

Manquer d’empressement, ou s’engager ailleurs.

Pour plaire, vous n’avez seulement qu’à paraître.

Plus heureuses que nous, ce n’est que le trépas

Qui vous fait perdre vos appas ;

Plus heureuses que nous, vous mourez pour renaître.

Tristes réflexions, inutiles souhaits !

Quand une fois nous cessons d’être,

Aimables fleurs, c’est pour jamais !

Un redoutable instant nous détruit sans réserve :

On ne voit au delà qu’un obscur avenir.

A peine de nos noms un léger souvenir

Parmi les hommes se conserve.

Nous rentrons pour toujours dans le profond repos

D’où nous a tirés la nature,

Dans cette affreuse nuit qui confond les héros

Avec le lâche et le parjure,

Et dont les fiers destins, par de cruelles lois,

Ne laissent sortir qu’une fois.

Mais, hélas ! Pour vouloir revivre,

La vie est-elle un bien si doux ?

Quand nous l’aimons tant, songeons-nous

De combien de chagrins sa perte nous délivre ?

Elle n’est qu’un amas de craintes, de douleurs,

De travaux, de soucis, de peines ;

Pour qui connoît les misères humaines,

Mourir n’est pas le plus grand des malheurs.

Cependant, agréables fleurs,

Par des liens honteux attachés à la vie,

Elle fait seule tous nos soins ;

Et nous ne vous portons envie

Que par où nous devons vous envier le moins.

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Antoinette Deshoulières Apprenti Poète

Par Antoinette Deshoulières

Antoinette de Lafon de Boisguérin des Houlières ou Deshoulières, née Antoinette du Ligier de la Garde fin décembre 1637 à Paris, décédée le 17 février 1694, est une femme de lettres française.

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