Ballade

Je meurs de soif auprès de la fontaine ;
Je treuve doulx ce qui doit estre amer ;
J’aime et tiens chiers tous ceulx qui me font haine,
Je hé tous ceulx que fort je deusse amer ;
Je loue ceulx que je deusse blamer,
Je prens en gré plus le mal que le bien ;
Je vais querant ce qu’à trouver je doubte ;
Croire ne puis cela que je sçay bien,
Je me tiens seur de ce dont plus j’ay doubte.

Je prens plaisir en ce qui m’est atayne ;
Ung peu de chose m’est grant comme la mer ;
Je tiens de près celle qui m’est loingtaine,
Je garde entier ce que deusse entamer,
Saoul suis de ce qui me fait affamer ;
J’ay largement de tout, et si n’ay rien,
J’oublie ce que plus à cuer je boute ;
Ce qui me lasche me tient en son lien :
Je me tiens seur de ce dont plus j’ay doubte.

Je tiens pour basse chose qui est haultaine ;
Je fuy tous ceulx que deusse reclamer,
Je croy plus tard le vray qu’une fredaine ;
Tant plus suis froit, plus me sens enflamer ;
Quand j’ay bon cuer, lors je prens a pasmer,

Ce que j’acquiers je ne tiens pas pour mien,
Je prise peu ce qui bien chier me couste ;
Sote manière m’est plus que beau maintien,
Je me tiens seur de ce dont plus j’ay doubte.

Prince, j’ay tout, et si ne sçay combien :
J’atire à moy ce qui plus me déboute ;
Ce que j’esloigne m’est plus qu’autre rien ;
Je me tiens seur de ce dont plus j’ay doubte.

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Par Jean Robertet

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