Le dernier rendez-vous ou L’éternelle chanson

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,

Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,

Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille,

Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.

Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,

Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,

Et je te sourirai tout en branlant la tête,

Et nous ferons un couple adorable de vieux.

Nous nous regarderons, assis sous notre treille,

Avec de petits yeux attendris et brillants,

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,

Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.
Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,

Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer,

Nous aurons une joie attendrie et très douce,

La phrase finissant toujours par un baiser.

Combien de fois jadis j’ai pu dire  » Je t’aime  » ?

Alors avec grand soin nous le recompterons.

Nous nous ressouviendrons de mille choses, même

De petits riens exquis dont nous radoterons.

Un rayon descendra, d’une caresse douce,

Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,

Quand sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,

Sur le banc d’autrefois nous reviendrons causer.
Et comme chaque jour je t’aime davantage,

Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain,

Qu’importeront alors les rides du visage ?

Mon amour se fera plus grave – et serein.

Songe que tous les jours des souvenirs s’entassent,

Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens.

Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent

Et sans cesse entre nous tissent d’autres liens.

C’est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l’âge,

Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main

Car vois-tu chaque jour je t’aime davantage,

Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain.
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve,

Je veux tout conserver dans le fond de mon coeur,

Retenir s’il se peut l’impression trop brève

Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.

J’enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,

Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;

Je serai riche alors d’une richesse rare

J’aurai gardé tout l’or de mes jeunes amours !

Ainsi de ce passé de bonheur qui s’achève,

Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;

Et de ce cher amour qui passe comme un rêve

J’aurai tout conservé dans le fond de mon coeur.
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,

Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,

Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille,

Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.

Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,

Nous nous croirons encore aux jours heureux d’antan,

Et je te sourirai tout en branlant la tête

Et tu me parleras d’amour en chevrotant.

Nous nous regarderons, assis sous notre treille,

Avec de petits yeux attendris et brillants,

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille

Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

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Rosemonde Gérard Apprenti Poète

Par Rosemonde Gérard

Louise-Rose-Étiennette Gérard, dite Rosemonde Gérard, poétesse française, est née le 5 avril 1866 à Paris où elle est morte le 5 juillet 1953. Elle est la petite-fille du comte Étienne Maurice Gérard, héros de Wagram. Son parrain est le poète Leconte de Lisle et son tuteur Alexandre Dumas. Dodette était son surnom familier.

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