Idylle

Et quum vidisti puero donata, dolebas.

Virgile.
Néère.

Le soir est tiède et pur, le vent pleure. O Myrrha,

Notre jeune Iollas, qui souvent t’admira,

Va venir près de nous, sous l’arbre qui soupire,

Dénouer nos cheveux et caresser la lyre.
Myrrha.

Néère, c’est pour toi qu’il éveille, en songeant,

La douce lyre, auprès de ce ruisseau d’argent.

Comme toi, dans mes yeux, ô Néère ! que n’ai-je

Ce trait qui brûle un cœur endormi sous la neige !
Néère.

Sa main silencieuse aime tes cheveux bruns,

D’où ses doigts pour longtemps s’en vont pleins de parfums.
Myrrha.

Les tiens, jouet charmant de la brise qui vole,

Sont lisses et dorés comme un flot du Pactole.
Néère.

Tes pieds charment la lèvre, et montrent au hasard

Leurs ongles transparents arrondis avec art.
Myrrha.

Ta gorge est comme un marbre, et la lumière arrose

Sur ses fermes contours deux frais boutons de rose.
Néère.

Que n’es-tu beau comme elle, ô bel enfant ? Hélas !

J’irais en suppliante adorer Iollas !
Myrrha.

Iollas ! pour un jour sois semblable à Néère,

Et je n’aurai pour toi nulle froideur amère.
Néère.

La bouche des Zéphyrs aux souffles embaumés

S’enivre en s’égarant sous tes bras parfumés.
Myrrha.

Quelle autre ivresse attend les deux lèvres choisies

Qui, goûtant de ton cou les blanches ambroisies

Et buvant à longs traits les flammes que j’y sens,

Y feront circuler des frissons rougissants !
Néère.

Vois comme l’onde est calme, et comme la Naïade,

Dont la molle fraîcheur invite et persuade,

Semble tourner vers nous l’azur de ses yeux bleus.
Myrrha.

Dans ses bras palpitants descendons toutes deux.

Confions notre tête à son bruit qui fascine,

Et notre épaule blonde à sa douce poitrine.
Néère.

Goûtons auparavant ce doux vin. Pour nos jeux

La grappe y mit la force et l’emplit de ses feux.
Myrrha.

Oui, mais la coupe d’or est froide à qui la touche.

Quel or vaut, ô ma sœur, les roses de ta bouche !
Néère.

Tenons-nous par la main. Ah ! ce flot est glacé !

Entoure bien mon cou de ton bras enlacé.
Myrrha.

Comme l’eau, sœur du ciel, qui flottait indécise,

Me presse avec amour ! Je suis toute surprise.
Néère.

Chacune bien serrée avec deux bras tremblants,

O Myrrha ! nous voguons comme deux cygnes blancs,

Et sur nos fronts jumeaux aux poses familières

Se mêlent toutes deux nos guirlandes de lierres.
Myrrha.

Le flot rasséréné, qui court sans se lasser,

M’enivre, et je ne sais, me sentant caresser

Voluptueusement dans cette paix profonde,

Si c’est ta chair polie, ou le zéphyr, ou l’onde !
Néère.

Iollas va venir de ses doigts enjoués

Tresser en folâtrant nos cheveux dénoués.
Mai 1843.

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Théodore de Banville Apprenti Poète

Par Théodore de Banville

Etienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville, né le 14 mars 1823 à Moulins (Allier) et mort le 13 mars 1891 à Paris, est un poète, dramaturge et critique français. Célèbre pour les « Odes funambulesques » et « les Exilés », il est surnommé « le poète du bonheur ».

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