Toute la vie d’un coeur – 1819
Or, nous cueillions ensemble la pervenche.
Je soupirais, je crois qu’elle rêvait.
Ma joue à peine avait un blond duvet.
Elle avait mis son jupon du dimanche ;
Je le baissais chaque fois qu’une branche
Le relevait.
Et nous cueillions ensemble la pervenche.
Le diable est fin, mais nous sommes bien sots.
Elle s’assit sous de charmants berceaux
Près d’un ruisseau qui dans l’herbe s’épanche ;
Et vous chantiez dans votre gaîté franche,
Petits oiseaux.
Et nous cueillions ensemble la pervenche.
Le paradis pourtant m’était échu.
En ce moment, un bouc au pied fourchu
Passe et me dit : Penchetoi. Je me penche.
Anges du ciel ! je vis sa gorge blanche
Sous son fichu !
Et nous cueillions ensemble la pervenche.
J’étais bien jeune et j’avais peur d’oser.
Elle me dit : Viens donc te reposer
Sous mon ombrelle, et me donna du manche
Un petit coup, et je pris ma revanche
Par un baiser.
Et nous cueillions ensemble la pervenche.
Toute la lyre