L’âme du purgatoire

Avant d’aller au paradis
Dont vos chants m’ouvrent les parvis,
Je viens vous bénir, ô poète !
Depuis que votre Muse en pleurs
Prêta sa lyre à mes douleurs,
Mon ami prie et me regrette…
Hélas ! Hélas !
Celle qui mourut dans ses bras
Par vous est heureuse, ô poète !
Hélas ! Hélas !
Vous chantez, je ne souffre pas.

Quand votre voix sur mon tombeau
Évoquait l’âme du Lido,
Celui que mon cœur aime encore
Jurait aussi d’aimer toujours
Ma rivale que les Amours
Couvraient du même sycomore ;
Hélas ! Hélas !
Il s’est souvenu dans ses bras
De celle qui l’aimait encore ;
Hélas ! Hélas !
Vous chantiez, il n’hésita pas.

En vain elle l’a couronné
Sous l’arbre qui s’est incliné
Pour abandonner son feuillage,
Par elle entraîné dans les bois,
Il n’entendait que votre voix
Qui lui répétait sous l’ombrage :
« Hélas ! Hélas !
Une autre aussi crut dans tes bras
A tes serments sous le feuillage,
Hélas ! Hélas !
Tes baisers donnent le trépas. »

Au cri d’amour que lui jeta
L’écho lointain de la Brenta
Il ne mêla qu’une prière,
Et crut entendre comme moi
L’écho sinistre du beffroi
Qui me rappelait dans la terre ;
Hélas ! Hélas !
Plus heureuse que dans ses bras,
Mon âme écouta sa prière,
Hélas ! Hélas !
Il prie et je ne brûle pas.

A la chapelle du couvent
Il courut, pieds nus et tremblant,
Porter la rançon de mon âme,
Et dit au frère sacristain :
« Priez, mon père, ce matin,
Pour ceux que dévore la flamme
Hélas ! Hélas !
Mon amie est morte en mes bras
Priez, bon père, pour son âme !
Hélas ! Hélas !
Tu l’as dit, ne t’en repens pas.

Les délices d’un chaste amour
Dans le ciel nous rendront un jour
Les plaisirs laissés à Florence,
Et l’aiguille qui fuit sans fin,
Au lieu du soir et du matin,
Ne marquera que l’espérance.
Hélas ! Hélas !
Quand il me verra dans tes bras,
Le ciel pour moi sera Florence ;
Hélas ! Hélas !
Je t’attends, ne viendras-tu pas ?

Mais adieu, poète immortel,
Je vais au Tasse, dans le ciel,
Redire votre Barcarole ;
A Ferrare, dans sa prison,
Il ira lire votre nom
Et veiller sur votre gondole.
Hélas ! Hélas !
Quand Dieu vous ouvrira ses bras
Me rappelant la barcarole,
Hélas ! Hélas !
Vers lui je guiderai vos pas.

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Antoine de Latour Apprenti Poète

Par Antoine de Latour

Antoine Tenant de Latour, né à Saint-Yrieix le 30 août 1808, mort à Sceaux le 27 avril 1881, est un écrivain français.

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Jocelyn, le 16 décembre 1793

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