Le perroquet

Emile Nelligan
par Emile Nelligan
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Aux jours de sa vieille détresse
Elle avait, la pauvre négresse,
Gardé cet oiseau d’allégresse.

Ils habitaient, au coin hideux,
Un de ces réduits hasardeux,
Un faubourg lointain, tous les deux.

Lui, comme jadis à la foire,
Il jacassait les jours de gloire
Perché sur son épaule noire.

La vieille écoutait follement,
Croyant que par l’oiseau charmant
Causait l’âme de son amant.

Car le poète chimérique,
Avec une verve ironique
A la crédule enfant d’Afrique

Avait conté qu’il s’en irait,
A son trépas, vivre en secret
Chez l’âme de son perroquet.

C’est pourquoi la vieille au front chauve,
A l’heure où la clarté se sauve,
Interrogeait l’oiseau, l’oeil fauve.

Mais lui riait, criant toujours,
Du matin au soir tous les jours :
‘ Ha ! Ha ! Ha ! Gula, mes amours ! ‘

Elle en mourut dans un cri rauque,
Croyant que sous le soliloque
Inconscient du bavard glauque,

L’amant défunt voulait, moqueur,
Railler l’amour de son vieux coeur.
Elle en mourut dans la rancoeur.

L’oiseau pleura ses funérailles,
Puis se fit un nid de pierrailles
En des ruines de murailles.

Mais il devint comme hanté ;
Et quand la nuit avait chanté
Au clair du ciel diamanté,

On eût dit, à voir sa détresse,
Qu’en lui pleurait, dans sa tendresse,
L’âme de la pauvre négresse.

Emile Nelligan

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