La Voulzie

Élégie

S’il est un nom bien doux fait pour la poésie,
Oh ! dites, n’estce pas le nom de la Voulzie ?
La Voulzie, estce un fleuve aux grandes îles ? Non ;
Mais, avec un murmure aussi doux que son nom,
Un tout petit ruisseau coulant visible à peine ;
Un géant altéré le boirait d’une haleine ;
Le nain vert Obéron, jouant au bord des flots,
Sauterait pardessus sans mouiller ses grelots.
Mais j’aime la Voulzie et ses bois noirs de mûres,
Et dans son lit de fleurs ses bonds et ses murmures.
Enfant, j’ai bien souvent, à l’ombre des buissons,
Dans le langage humain traduit ces vagues sons ;
Pauvre écolier rêveur, et qu’on disait sauvage,
Quand j’émiettais mon pain à l’oiseau du rivage,
L’onde semblait me dire : ‘ Espère ! aux mauvais jours
Dieu te rendra ton pain. ‘ Dieu me le doit toujours !
C’était mon Égérie, et l’oracle prospère
À toutes mes douleurs jetait ce mot : ‘ Espère !
Espère et chante, enfant dont le berceau trembla ;
Plus de frayeur : Camille et ta mère sont là.
Moi, j’aurai pour tes chants de longs échos… ‘ Chimère !
Le fossoyeur m’a pris et Camille et ma mère.
J’avais bien des amis icibas quand j’y vins,
Bluet éclos parmi les roses de Provins :
Du sommeil de la mort, du sommeil que j’envie,
Presque tous maintenant dorment, et, dans la vie,
Le chemin dont l’épine insulte à mes lambeaux,
Comme une voie antique est bordé de tombeaux.
Dans le pays des sourds j’ai promené ma lyre ;
J’ai chanté sans échos, et, pris d’un noir délire,
J’ai brisé mon luth, puis de l’ivoire sacré
J’ai jeté les débris au vent… et j’ai pleuré !
Pourtant, je te pardonne, ô ma Voulzie ! et même,
Triste, tant j’ai besoin d’un confident qui m’aime,
Me parle avec douceur et me trompe, qu’avant
De clore au jour mes yeux battus d’un si long vent,
Je veux faire à tes bords un saint pèlerinage,
Revoir tous les buissons si chers à mon jeune âge,
Dormir encore au bruit de tes roseaux chanteurs,
Et causer d’avenir avec tes flots menteurs.

Le myosotis

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