Chèvre-Feuille

La belle Chèvre-Feuille

Fleurit à la Saint-Jean,

Au temps où l’Amour cueille

Toutes les fleurs des champs.
Elle a bondi plus vive

Qu’un petit chevreau blanc :

« Qui me fera captive ?

Est-ce un de ces galants ? »
S’élance sur la haie,

Les cornes en avant ;

Du haut de l’épinaie

A nargué ses amants :
A monté sur la tête

Du houx le plus méchant ;

A grimpé jusqu’au faîte

Du chêne le plus grand.
Sur la plus haute branche

A rencontré le vent,

Et le ciel qui se penche,

Et le Bon Dieu dedans…
Voici passer octobre…

Que fait-elle à présent ?

« Dis-moi, dis, rouge-gorge,

L’as-tu vue en volant ?
As-tu de ses nouvelles

Que rapporte le vent ?…

– Chèvre-Feuille, la belle,

Est entrée au couvent.
Dans le buisson qui veille

Et voit l’hiver venant,

Elle est dans sa chapelle

D’épine et de tourment.
Sur son chapelet rouge

Aux grains couleur de sang,

Elle pri’ pour la route

Et pour tous les passants. »

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