Exposante

Le jour où, dans l’ambition

D’orner la ville déjà verte,

A Paris, l’Exposition

Universelle s’est ouverte,
Cependant que l’on voyait sur

Notre ciel qui n’est plus morose

Briller les coupoles d’azur,

Un humoriste dit à Rose:
Toi, dont on adore à genoux

Les cils et la paupière blonde,

Vois, nous centralisons chez nous

Toutes les merveilles du monde.
Nous avons les pays charmants,

Toutes les Indes et les Chines,

Les vertigineux diamants,

Les peintures et les machines.
Pour oublier les maux subis,

Nous avons des fêtes hautaines;

La chrysoprase et les rubis

Coulent dans le flot des fontaines.
Soeur de la sage Dalila,

Sur nos glorieux territoires

Chacun apporte ce qu’il a,

Des ors, des argents, des ivoires.
Eiffel (on ne saurait nier

Qu’il gagnera de fortes sommes)

Expose une tour, et Garnier

Les habitations des hommes.
Qui donc sous les feuillages verts

Expose dans l’air qui frissonne?

Tous les mortels de l’univers.

Et qui donc est absent? Personne.
Mais toi, Rose, dont les desseins

Ont un appétit grandiose;

Toi qui sur les bouts de tes seins

Laisses voir des boutons de rose;
Toi qui, ne craignant aucun choc,

Sembles superbement taillée

A coups de ciseaux dans le roc,

Et pourtant, si bien détaillée;
Toi, délice et régal du jour,

Dont la robe, sans que tu puisses

L’en empêcher, avec amour

Dessine ton ventre et tes cuisses;
Femme dont les cheveux épars

Sur ton épaule et sur tes hanches

Roulent à flots de toutes parts,

Comme de noires avalanches;
Triomphe adorable et vermeil,

Etre à la blancheur liliale,

Dont la lèvre brille au soleil

Comme une pourpre impériale;
Toi, Rose, ange, femme et bandit,

Charmeresse aux regards de flamme,

Qu’exposeras-tu donc? — Moi? dit

Rose, j’exposerai — mon âme!
14 mai 1889.

Dans notre ruche de poètes, chaque commentaire est une goutte de miel. Soyez doux.

Laisser un commentaire