Elle (2)

Mon Dieu ! si elle allait mourir !
Si la pelle allait la couvrir,
Avec son bec de bois qui ramasse la terre,
Si sa soeur ou son frère,
Pour la pleurer allaient venir !

Si la cloche toujours au guet
Allait donner sa voix qui fait :
Mortmort, mortmort, en hochant de la tête ;
Et que le fossoyeur fit fête,
Assis au bord de son creux fait !

Si la grande et jaune bougie
Allait flamber sur cette vie
Eteinte à tout jamais !

Si le drap noir sous sa croix blanche,
Etendant ses bras sur la planche,
Allait lui ôter l’air, si encore elle était !

Et si le prêtre aux chants de marbre
Allait se mettre à cheminer
Pour la conduire sous un arbre
Et puis comme tous la laisser !

Si des autres les os allaient tomber sur elle,
Dans sa maison construite sans truelle ;
Si pour la voir encor j’allais être obligé
De chercher dans ces os, son corps inanimé
Qui ne répondrait plus

A mes cris, à mes larmes ;
Qu’on toucherait dessous, dessus
Sans qu’il bougeât, et que toutes les armes
Qui viendraient le fouiller n’y trouveraient que chair
Molle, et rendant un vent qui empoisonne l’air.

Si je ne reconnaissais pas sa bouche !
Si sa figure était farouche !
Si déjà ses traits étaient ravagés !
Si ses beaux yeux étaient rongés !
Si ses dents étaient serrées !
Sous ses lèvres crispées ;
Ses lèvres grimaçant, ses dents grinçant l’horreur !
Si sa poitrine était ouverte,
Et sa langue découverte,
Par son cou déchiré, pendant,
Et sa gorge saignant !
Je crois que j’aurais peur.

Peur ! eh ! de quoi peur ? d’une morte,
Qui dans sa fosse apporte
Un coeur à vous lorsqu’il battait,
Que vous seul il idolâtrait ?
Ce que vous avez eu pendant toute sa vie,
Ce qui l’a sans cesse nourrie,
Qui de son âme a fait un amour dans son corps,
Qu’elle a toujours gardé, sans craindre le remords ?

Peur d’une femme à qui vous diriez : Que tu meures ?
Je le veux, je le veux! Ne ris pas… tu l’effleures
Ce sein sur qui tu mets la pointe d’un poignard ;
Craindraistu la souffrance ?

‘ Allons, enfonce donc ! enfonce ! ‘ Et qu’un regard
Vous dit en se fermant : ‘ Voilà mon existence. ‘
Des restes d’un tel corps pourraiton avoir peur ?
Je m’y cramponnerais, ainsi qu’un ver rongeur.

De deux je ferais un ; j’aime tant, qu’il me semble
Que je lierais, chairs, os, entortillés ensemble ;
De sorte qu’on dirait en y fixant ses yeux
Jamais cet 1 de chair, n’a pu former un 2.

Voter pour ce poème!

Xavier Forneret Apprenti Poète

Par Xavier Forneret

Xavier Forneret, surnommé « l'Homme noir, blanc de visage », né à Beaune le 16 août 1809 et mort dans la même ville le 7 juillet 1884, est un écrivain, dramaturge et poète français.

Ce poème vous a-t-il touché ? Partagez votre avis, critique ou analyse !

Écrivez comme un Verlaine, commentez comme un Hugo, et vous serez un pilier de notre communauté poétique.
S’abonner
Notifier de
Avatar
guest
0 Avis
Inline Feedbacks
View all comments

Soit que son or se crêpe lentement

Le galant tireur