La Chimère

Monstre Inspiration, dédaigneuse Chimère,

Je te tiens ! Folle ! En vain, tordant ta lèvre amère,

Et demi-souriante et pleine de courroux,

Tu déchires ma main dans tes beaux cheveux roux.

Non, tu ne fuiras pas. Tu peux battre des ailes ;

Tout ivre que je suis du feu de tes prunelles

Et du rose divin de ta chair, je te tiens,

Et mes yeux de faucon sont cloués sur les tiens !

C’est l’or de mes sourcils que leur azur reflète.

Lionne, je te dompte avec un bras d’athlète ;

Oiseau, je t’ai surpris dans ton vol effaré,

Je t’arrache à l’éther ! Femme, je te dirai

Des mots voluptueux et sonores, et même,

Sans plus m’inquiéter du seul ange qui m’aime,

Je saurai, pour ravir avec de longs effrois

Tes limpides regards céruléens, plus froids

Que le fer de la dague et de la pertuisane,

Te mordre en te baisant, comme une courtisane.

Que pleures-tu ? Le ciel immense, ton pays ?

Tes étoiles ? Mais non, je t’adore, obéis.

Vite, allons, couche-toi, sauvage, plus de guerres.

Reste là ! Tu vois bien que je ne tremble guères

De laisser ma raison dans le réseau vermeil

De tes tresses en feu de flamme et de soleil,

Et que ma fière main sur ta croupe se plante,

Et que je n’ai pas peur de ta griffe sanglante !
Bellevue, 19 décembre 1857.

La poésie se renouvelle avec chaque commentaire. Soyez le souffle de la renaissance.

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