Greffes

1

Lames grises du réveil
Péninsules éteintes
Quotidiennes et courtes morts

Où se greffe le vide?

Les filaments du monde se défont sous tes doigts

La nasse de tes pensées assourdit chaque source

Les brumeuses cités de toi engloutissent ta face

Plus de fleuves déployés

Plus d’herbes à venir

Plus d’agir plus de fables

Plus de suite plus de surplomb

A l’arraché

comme on extirpe l’ortie
On étripe ce mal

Il tenaille
Il résiste.

2

Sur toutes les terres du monde

L’agneau a greffé

sa face doucement ravagée

Sur toutes les terres du monde

Le bourreau greffe

Son masque impérissable et clos.

3

Où s’assemble notre double

sa voix nommant d’autres voies?

Où se greffe son rameau qui démantèle les ombres qui ronge les murailles?

Surgi des houles de notre soif
Il vient

par triomphe d’images

par vannes par grains par grappes

par ruptures et fusion

Il parle il vient
Ce double

tranchant les ligatures du mot instaurant l’autre connivence.

4

Je descends de tout un peuple de morts des charnières et du plein de ces corps révolus

Nos trames s’entrecroisent leur chair soude la mienne
Leurs rumeurs s’attachent aux lacis de mon sang

Enfant de toutes ces fibres
J’émonde les liens moisis

et me greffe aux vivants

à leur souffle à leurs chutes

à leur risque d’horizons

Visage d’un temps
J’arbitre

Et progresse dans l’onde des jours vers la tenace issue.

5

Marée bue par les sables Éclat retombé en cendres
Gorgée de battements la
Vie s’est défilée escamotant nos soifs

Cette soif

greffe de nos jardins levain de nos éveils amorce du futur

Cri d’alouette

le long des routes exténuées.

6

La ville aux trousses

ne nous exilerait plus

Si greffant l’oiseau

au cœur du cœur des pierres

Le cœur imaginait

La ville aux trousses

ne nous lapiderait plus

Si multipliant ses graines

obstinément tirées vers le jour

Le cœur nous fécondait.

7

Du fond des nuits sans âtre
Ton double assiège encore

Il éclate et questionne

comme pour mieux te greffer
A toutes les pousses de vie!

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Andrée Chedid Apprenti Poète

Par Andrée Chedid

Andrée Chedid, née Andrée Saab le 20 mars 1920 au Caire, en Égypte, et morte le 6 février 2011 à Paris, en France, est une femme de lettres et poétesse française d’origine syro-libanaise.

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Ses purs ongles très-haut …

Qui donc, qui donc