Les vêpres

Émile Verhaeren
par Émile Verhaeren
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Moines, vos chants du soir roulent parmi leurs râles
Le flux et le reflux des douleurs vespérales.

Lorsque dans son lit froid, derrière sa cloison,
Le malade redit sa dernière oraison ;

Lorsque la folie arde au coeur les lunatiques,
Et que la toux mord à la gorge les étiques ;

Lorsque les yeux troublés de ceux qui vont mourir,
Tout en songeant aux vers, voient le couchant fleurir ;

Lorsque pour les défunts, que demain l’on enterre,
Les fossoyeurs, au son du glas, remuent la terre ;

Lorsque dans les maisons closes on sent les seuils
Heurtés lugubrement par le coin des cercueils ;

Lorsque dans l’escalier étroit montent les bières
Et que la corde râcle au ras de leurs charnières ;

Lorsqu’on croise à jamais, dans la chambre des morts,
Le linceul sur leurs bras, leurs bras sur leurs remords ;

Lorsque les derniers coups de la cloche qui tinte
Meurent dans les lointains, comme une voix éteinte,

Et qu’en fermant les yeux pour s’endormir, la nuit
Etouffe, entre ses cils, la lumière et le bruit :

Moines, vos chants du soir roulent parmi leurs râles
Le flux et le reflux des douleurs vespérales.

Les moines

Émile Verhaeren

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