Le jugement dernier

Déjà je crois le voir ; j’en frémis par avance.
Déjà j’entends des mers mugir les flots troublés ;
Déjà je vois pâlir les astres ébranlés ;
Le feu vengeur s’allume, et le son des trompettes
Va réveiller les morts dans leurs sombres retraites
Ce jour est le dernier des jours de l’univers.
Dieu cite devant lui tous les peuples divers ;
Et, pour en séparer les saints, son héritage,
De sa religion vient consommer l’ouvrage.
La terre, le soleil, le temps, tout va périr ;
Et de l’éternité les portes vont s’ouvrir.

Elles s’ouvrent.
Le
Dieu si longtemps invisible,
S’avance, précédé de sa gloire tetrible ;
Entouré du tonnerre, au milieu des éclairs,
Son trône étincelant s’élève dans les airs ;
Le grand rideau se tire, et ce
Dieu vient en maître.
Malheureux, qui pour lors commence à le connaître!
Ses anges ont partout fait entendre leur voix ;
Et sortant de la poudre une seconde fois,
Le genre humain tremblant, sans appui, sans refuge,
Ne voit plus de grandeur que celle de son juge. Ébloui des rayons dont il se sent percer,
L’impie avec hotreur voudrait les repousser.
II n’est plus temps ; il voit la gloire qui l’opprime,
Et tombe enseveli dans l’éternel abîme,
Lieu de larmes, de cris et de rugissements.
Dans ce séjout affreux, quels seront vos tourments,
Infidèles chrétiens, cœurs durs, âmes ingrates.
Quand, malgré leurs vertus, les
Titus, les
Socrates, (Hélas ! jamais du ciel ils n’ont connu les dons !)
Y sont précipités ainsi que les
Gâtons?
Lorsque le bonze étale en vain sa pénitence;

Quand le pâle bramine, après tant d’abstinence.
Apprend que contre soi, bizarrement cruel,
Il ne fît qu’avancer son supplice éternel ?
De sa chute surpris, le musulman regrette
Le paradis charmant, promis par son prophète,
Et, loin des voluptés qu’attendait son erreur.
Ne trouve devant lui que la rage et l’horreur.
Le vrai chrétien, lui seul, ne voit rien qui l’étonné ;
Et sur ce tribunal, que la foudre environne,
Il voit le même
Dieu qu’il a cru, sans le voir,
L’objet de son amour, la fin de son espoir.
Mais il n’a plus besoin de foi, ni d’espérance;
Un éternel amour en est la récompense.
Sainte religion, qu’à ta grandeur offerts

Jusqu’à ce dernier jour puissent durer mes vers !

D’une muse, toujours compagne de ta gloire,

Autant que tu vivras, fais vivre la mémoire.

La sienne…
Qu’ai-je dit?
Où vais-jc m’égarer?

Dans un cœur tout à toi l’orgueil veut-il entrer?

Sois de tous mes désirs la règle et l’interprète,

Et que ta seule gloire occupe ton poète !

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Par Louis Racine

Louis Racine est un poète français né à Paris le 6 novembre 1692 et mort à Paris le 29 janvier 1763, second fils et septième et dernier enfant du dramaturge Jean Racine.

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