En Habit Zinzolin

Vous avez tant d’Iris, de Philis, d’Amarantes…

Molière, Les Femmes savantes, acte V, scène I.
Rondeau, à Églé
Entre les plis de votre robe close

On entrevoit le contour d’un sein rose,

Des bras hardis, un beau corps potelé,

Suave, et dans la neige modelé,

Mais dont, hélas ! un avare dispose.
Un vieux sceptique à la bile morose

Médit de vous et blasphème, et suppose

Qu’à la nature un peu d’art s’est mêlé

Entre les plis.
Moi, qu’éblouit votre fraîcheur éclose,

Je ne crois pas à la métamorphose.

Non, tout est vrai ; mon cœur ensorcelé

N’en doute pas, blanche et rieuse Églé,

Quand mon regard, comme un oiseau, se pose

Entre les plis.

Triolet, à Philis
Si j’étais le Zéphyr ailé,

J’irais mourir sur votre bouche.

Ces voiles, j’en aurais la clé

Si j’étais le Zéphyr ailé.

Près des seins pour qui je brûlai

Je me glisserais dans la couche.

Si j’étais le Zéphyr ailé,

J’irais mourir sur votre bouche.
Rondeau, à Ismène
Oui, pour le moins, laissez-moi, jeune Ismène,

Pleurer tout bas ; si jamais, inhumaine,

J’osais vous peindre avec de vrais accents

Le feu caché qu’en mes veines je sens,

Vous gémiriez, cruelle, de ma peine.
Par ce récit, l’aventure est certaine,

Je changerais en amour votre haine,

Votre froideur en désirs bien pressants,

Oui, pour le moins.
Échevelée alors, ma blonde reine,

Vos bras de lys me feraient une chaîne,

Et les baisers des baisers renaissants

M’enivreraient de leurs charmes puissants ;

Vous veilleriez avec moi la nuit pleine,

Oui, pour le moins.

Triolet, à Amarante
Je mourrai de mon désespoir

Si vous n’y trouvez un remède.

Exilé de votre boudoir,

Je mourrai de mon désespoir.

Pour votre toilette du soir

Bien heureux celui qui vous aide !

Je mourrai de mon désespoir

Si vous n’y trouvez un remède.
Rondeau redoublé, à Sylvie
Je veux vous peindre, ô belle enchanteresse,

Dans un fauteuil ouvrant ses bras dorés,

Comme Diane, en jeune chasseresse,

L’arc à la main et les cheveux poudrés.
Sur les rougeurs d’un ciel aux feux pourprés

Quelquefois passe un voile de tristesse,

Voilà pourquoi, lorsque vous sourirez,

Je veux vous peindre, ô belle enchanteresse !
Vous serez là, frivole et charmeresse,

Parmi les fleurs des jardins adorés

Où doucement le zéphyr vous caresse

Dans un fauteuil ouvrant ses bras dorés.
Auprès de vous, Madame, vous aurez

Le lévrier qui folâtre et se dresse,

Et le carquois plein de traits désœuvrés,

Comme Diane en jeune chasseresse.
Mais n’allez pas, fugitive déesse,

Chercher, pieds nus, par les bois et les prés

Un berger grec, et pâlir de tendresse,

L’arc à la main et les cheveux poudrés.
Heureusement le cadre d’or qui blesse

Vous retiendra dans ses bâtons carrés,

Et sauvera votre antique noblesse

D’enlèvements trop inconsidérés.

Je veux vous peindre.

Madrigal, à Clymène
Quoi donc ! vous voir et vous aimer

Est un crime à vos yeux, Clymène.

Et rien ne saurait désarmer

Cette rigueur plus qu’inhumaine !

Puisque la mort de tout regret

Et de tout souci nous délivre,

J’accepte de bon cœur l’arrêt

Qui m’ordonne de ne plus vivre.
Rondeau redoublé, à Iris
Quand vous venez, ô jeune beauté blonde,

Par vos regards allumer tant de feux,

On pense voir Cypris, fille de l’Onde,

Épanouir et les Ris et les Jeux.
Chacun, épris d’un désir langoureux,

Souffre une amour à nulle autre seconde,

Et lentement voit s’entr’ouvrir les cieux

Quand vous venez, ô jeune beauté blonde !
S’il ne faut pas que votre chant réponde

Un mot d’amour à nos chants amoureux,

Pourquoi, Déesse à l’âme vagabonde,

Par vos regards allumer tant de feux ?
Laissez au vent flotter ces doux cheveux

Et découvrez cette gorge si ronde,

Si jusqu’au bout il vous plaît qu’en ces lieux

On pense voir Cypris, fille de l’Onde.
Car chacun boit à sa coupe féconde

Lorsqu’elle vient à l’Olympe neigeux

Sur les lits d’or que le plaisir inonde

Épanouir et les Ris et les Jeux.
Donc, allégez ma souffrance profonde.

C’est trop subir un destin rigoureux ;

Craignez, Iris, que mon cœur ne se fonde

À ces rayons qui partent de vos yeux

Quand vous venez !
Madrigal, à Glycère
Oui, vous m’offrez votre amitié,

Pour tous les maux que je vous conte,

Mais quoi ! c’est trop peu de moitié,

Glycère, et je n’ai pas mon compte.

Je soupire, et vous en retour

Vous me payez d’une chimère.

Pourquoi si mal traiter l’Amour ?

Ah ! vous êtes mauvaise mère !

Juin 1842.

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