Jour tombant

Rien ne finit, rien ne commence,

Ce n’est ni la nuit ni le jour.

LECONTE DE LISLE
Sur le ciel gris rosé l’extrémité des branches

Se découpe légère et frissonnante au vent ;

L’heure est chaude ; le soir ouvre aux visions blanches,

Et par les près fauchés elles s’en vont rêvant.
Elles s’en vont rêvant de leurs sœurs les chimères

Qui portaient dans leur robe un songe à chaque pli,

Espoirs, rayons perdus, décevances amères,

Souvenirs lumineux émergeant de l’oubli.
Et les souffles subtils pleins d’odorante flamme,

Qui font pâmer les fleurs sur le foin renversé,

Savent encore emplir de vertiges mon âme,

Lyre toujours vibrante au contact du passé.
Dans la nuit palpitaient des ailes de pensées,

Comme si mille oiseaux, se croisant sur mon front,

Avaient chanté pour moi leurs hymnes cadencées,

Avant de s’envoler au ciel clair & profond.
– Pourquoi rire ? les pleurs sont si près de la joie.

Dans l’ombre douloureuse ou le sort l’a jeté,

Il n’est espoir si cher que mon cœur ne renvoie ;

Il n’est amour si pur dont mon cœur n’ait douté.
– Pourquoi pleurer ? la joie est si proche des larmes.

Toute ombre dans son sein porte l’espoir du jour.

Il n’est malheur si rude ou ne soient quelques charmes,

Il n’est bonheur si doux qu’on ne doive à l’amour.
– Pourquoi chercher en vain une paix éphémère ?

Ouvrir trop tôt son cœur, ou trop tôt le fermer ?

Voici la vision, l’idéal, la chimère :

Rire, pleurer, chanter et toujours plus aimer !
Sur le ciel assombri l’extrémité des branches

Se découpe plus lourde et frissonnante au vent ;

Le soir n’a point de lune, adieu, visions blanches !

Et par les près fauches je m’en reviens rêvant.

JUIN 18…

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Louisa Siefert Apprenti Poète

Par Louisa Siefert

Louisa Siefert, née à Lyon le 1er avril 1845 et morte à Pau le 21 octobre 1877, est une poétesse française.
Louisa Siefert (1845 - 1877) était une poétesse française qui a laissé une poésie empreinte de douleur mais soutenue d’un vif spiritualisme protestant. Son premier recueil de poèmes, Rayons perdus, paru en 1868, connaît un grand succès. En 1870, Rimbaud s'en procure la quatrième édition et en parle ainsi dans une lettre à Georges Izambard : « J'ai là une pièce très émue et fort belle, Marguerite […]. C'est aussi beau que les plaintes d'Antigone dans Sophocle.»

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