Disgrâce

La haute Idée à mon univers mère,
Si hautement de nul jamais comprise,
M’est à présent ténébreuse Chimère.

Le tout, d’où fut toute ma forme prise,
Plus de mon tout, de mon tout exemplaire,
M’est simplement une vaine feintise.

Ce qui soulait mon imparfait parfaire
Par son parfait, sa force a retirée,
Pour mon parfait en imparfait refaire.

Le Ciel, qui fut mon haut Ciel Empyrée,
Fixe moteur de ma force première,
Pour m’affaiblir rend sa force empirée.

La grand clarté, à luire coutumière
En mon obscur, me semble être éclipsée
Pour me priver du jour de sa lumière.

La Sphère en rond, de circuit lassée
Pour ma faveur, malgré sa symétrie
En nouveau cours contre moi s’est poussée.

La harmonie, aux doux consens nourrie
Des sept accords, contre l’ordre sphérique
Horriblement entour mon ouïr crie.

Le clair Soleil, par la ligne écliptique
De son devoir mes yeux plus n’illumine,
Mais, puis que pis ne peut, se fait oblique.

La déité, qui de moi détermine,
De ne prévoir que mon malheur m’assure,
Et au passer du temps mon bien termine.

L’âme, qui fit longtemps en moi demeure,
Iniquement d’autre corps s’associe.
Et s’éloignant de moi, veut que je meure
Pour s’exercer en palingénésie.

Premier livre des erreurs amoureuses

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Pontus De Tyard Apprenti Poète

Par Pontus De Tyard

Pontus de Tyard, seigneur de Bissy, est un prélat, écrivain et poète français, membre du cercle littéraire de la Pléiade.

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Rayons d’octobre (IV)

J’ay tant vescu, chetif, en ma langueur