Le Froid

Dans le ciel noir, plein d’échancrures,

Il volait tristement, vêtu

D’un gros paletot de fourrures,

Et je lui dis: Qui donc es-tu?
Affublé d’un passe-montagne,

On ne lui voyait que les yeux.

Oh! que le bonheur t’accompagne,

Lui dis-je, oiseau mystérieux!
Volant toujours à perdre haleine

Dans les cieux tarabiscotés,

Il avait de gros gants de laine

Avec de gros doigts tricotés.
Je dis: Toi que l’ouragan fête,

Voyageur pâle, exempt d’humour,

Comment te nomme-t-on? — Poëte,

Dit-il, moi, le féroce Amour,
Qui connais bien toutes les banques,

Je me fais voir, — ô sort fatal! –

Laid comme, dans Les Saltimbanques,

On voit le nommé Ducantal.
Je suis Amour, dieu de Cythère,

Du moins, je l’ai toujours été.

Mais, rimeur, on ne peut se taire,

Nous avons un bizarre été.
Je sais que je devrais, en somme,

Possédant la blancheur du lys,

Me montrer strictement nu, comme

La main de Rose ou de Philis.
Mon front n’a subi nulle tonte,

Et je ne me sens pas plus vieux

Que naguères, dans Amathonte;

Mais le temps est trop pluvieux.
Je ris, je pleure, je sanglote;

Ce qui ravit les coeurs, je l’ai;

Mais pour le moment, je grelotte

Et j’ai le bout du nez gelé.
11 août 1888.

Voter pour ce poème!

Théodore de Banville Apprenti Poète

Par Théodore de Banville

Etienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville, né le 14 mars 1823 à Moulins (Allier) et mort le 13 mars 1891 à Paris, est un poète, dramaturge et critique français. Célèbre pour les « Odes funambulesques » et « les Exilés », il est surnommé « le poète du bonheur ».

Ce poème vous a-t-il touché ? Partagez votre avis, critique ou analyse !

N'attendez pas, versez vos vers. Notre forum attend votre poésie.
S’abonner
Notifier de
Avatar
guest
0 Avis
Inline Feedbacks
View all comments

Le sablier d’absence

Oh ! je fus comme fou…