L’étrangère

Ah ! que le monde est difficile !
Hélas ! il n’est pas fait pour moi.
Ma sœur, en ton obscur asile,
J’étais plus heureuse avec toi.
On m’appelle ici l’étrangère ;
C’est le nom de qui n’a point d’or.
Si je ris, je suis trop légère ;
Si je rêve… on en parle encor.

Si je mêle à ma chevelure
La fleur que j’aimais dans nos bois,
Je suis, dit-on, dans ma parure,
Timide et coquette à la fois ;
Puis-je ne pas la trouver belle ?
Le printemps en a fait mon bien :
Pour me parer je n’avais qu’elle ;
On l’effeuille, et je n’ai plus rien.

Je sors de cet âge paisible,
Où l’on joue avec le malheur :
Je m’éveille, je suis sensible,
Et je l’apprends par la douleur.
Un seul être à moi s’intéresse ;
Il n’a rien dit, mais je le vois ;
Et je vois même, à sa tristesse,
Qu’il est étranger comme moi.

Ah ! si son regard plein de charmes
Recèle un doux rayon d’espoir,
Quelle main essuiera les larmes
Qui m’empêchent de l’entrevoir ?
Soumise au monde qui m’observe,
Je dois mourir, jamais pleurer ;
Et je n’use qu’avec réserve
Du triste espoir de soupirer !

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Marceline Desbordes-Valmore Apprenti Poète

Par Marceline Desbordes-Valmore

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) est une poète française reconnue pour la richesse et la variété de son lyrisme romantique. Surnommée « Notre-Dame-des-Pleurs » en raison des drames qui jalonnent sa vie, elle émeut par sa sincérité et son talent naturel. Elle épanche dans sa poésie toutes les peines qu'elle a connues durant sa vie. Ses poèmes traduisent ses cris de passion, ses élans vers l’au-delà, et la nostalgie du pays natal. Son talent poétique se voit reconnu par les symbolistes, notamment Rimbaud et Verlaine, qui applaudissent son absence de rhétorique.

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