Dernière Amoureuse

A l’heure d’amour, l’autre soir,

La Mort près de moi vint s’asseoir ;

S’asseoir, près de moi, sur ma couche.
En silence, elle s’accouda.

Sur mes yeux clos elle darda

Son grand œil noir, lascif et louche ;
Puis, comme l’amante à l’amant,

Elle mit amoureusement

Sa bouche sur ma bouche !
« Viens, dit le spectre en m’enlaçant,

« Viens sur mon cœur, viens dans mon sang

« Savourer de longues délices.
« Viens ; la couche, ô mon bien-aimé !

« A son oreiller parfumé,

« Ses draps chauds comme des pelisses.
« Nous nous chérirons nuit et jour :

« Nos âmes sont deux fleurs d’amour,

« Nos lèvres deux calices. »
Je crus, sur mon front endormi,

Sentir passer un souffle ami

D’une saveur déjà connue.
J’eus un rêve délicieux.

Je lui dis, sans ouvrir les yeux :

« Chère, vous voilà revenue !
« Vous voilà ! mon cœur rajeunit.

« Fauvette, qui revient au nid,

« Sois-y la bienvenue.
« Sans remords comme sans pitié,

« Méchante, on m’avait oublié ;

« Allons, venez, Mademoiselle.
« Je consens à vous pardonner,

« Mais avant, je veux enchaîner

« Ma folle petite gazelle. »
Et, comme je lui tends les bras,

Le spectre me répond tout bas :

« C’est moi…ce n’est pas elle… »
« – C’est toi, la Mort ! eh bien ! tant mieux.

« Mon âme est veuve ; mon cœur vieux,

« J’avais besoin d’une maîtresse.
« Une tombe est un rendez-vous

« Comme un autre ; prélassons-nous

« Dans une éternelle caresse ! »
Je l’embrasse ; elle se défend,

Recule et me dit : « Cher enfant,

« Attends, rien ne nous presse !…
« Gardons-nous pour des temps meilleurs ;

« Mais aujourd’hui, je cherche ailleurs

« Des amoureux en hécatombe.
« Ailleurs, je vais me reposer

« Et couper en deux le baiser

« D’un ramier et de sa colombe !
« Sois heureux, tu me reverras ;

« Sois amoureux, et tu seras

« Mûr pour la tombe ! »

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